J’ai
découvert l’importance de Georg Lukács en lisant l’essai de Lucien Goldmann, Philosophie
et sciences humaines, alors que j’étais étudiant à l’université de São
Paulo, au Brésil, vers 1958. Son chef-d’œuvre, Histoire et conscience de
classe, n’était pas accessible au Brésil à l’époque ; j’ai essayé en
vain de le trouver. Il apparaissait comme un livre mystérieux, rejeté par son
auteur, mais néanmoins essentiel pour une compréhension dialectique du
marxisme. Ce n’est qu’en 1960 que j’ai pu obtenir un exemplaire de la
traduction française, en la commandant à la librairie française de São Paulo.
Alors que je commençais à la lire, une phrase de l’essai « Rosa Luxembourg
en tant que marxiste » m’a frappé comme un coup de tonnerre dans un ciel
bleu : « Ce n’est pas la prédominance des motifs économiques dans
l’explication de l’histoire qui distingue de manière décisive le marxisme de la
science bourgeoise, c’est le point de vue (Gesichtspunkt) de la
totalité ». Je n’oublierai
jamais l’impression que cette phrase a faite sur moi. (Michael Löwy)